Tenter de faire un classement est toujours une entreprise risquée, bien souvent vouée à attirer les polémiques. Alors tenter de classer tous les films Star Wars… c’est carrément casse-gueule.
Mais parce que j’aime prendre des risques – et parce que j’aime Star Wars encore plus – j’ai quand même décidé de m’atteler à cette lourde tâche.
Bien entendu, je ne prétends aucunement avoir la science infuse : ce classement est avant tout le travail d’un amoureux, d’un romantique qui a grandi avec la saga de George Lucas, et qui ne se lasse pas d’en parler. Alors… parlons-en.
11. L'ascension de Skywalker (The Rise of Skywalker – 2019)
Depuis le rachat de 2012, la stratégie de Disney et Lucasfilm aura été calamiteuse, et ce dernier chapitre de la saga Skywalker en est la preuve flagrante (cf. ma critique complète). Car disons-le clairement : cet épisode 9 est une insulte. Grossière, impertinente, cynique, arrogante, disgracieuse, déplacée.
Rien dans ce film n’a de sens. Tout ce qui se produit ne se produit que par la pure nécessité de faire avancer l’intrigue et l’action, comme si toute contemplation, toute nuance, toute émotion se retrouvaient subitement interdites. Les personnages ne sont que des coquilles vides, des pantins lamentablement bringuebalés par un couple de marionnettistes (J.J. Abrams et Chris Terrio) tout à fait incapables d’insuffler la moindre once de magie dans ce tableau sans relief.
En définitive, une conclusion qui confirme, sans s'en cacher un seul instant, qu'on nous prend pour des cons. Pitoyable.
10. Les Derniers Jedi (The Last Jedi – 2017)
Ce qui me surprend le plus avec cet Épisode VIII, c’est l’incroyable indulgence de la critique professionnelle à l’égard de ce qui est, selon moi, un lamentable exercice en futilité. Rian Johnson (ici à la plume et à la caméra) est en effet parvenu à donner l’illusion du changement, sans être capable d’aller au bout de ses idées. Le résultat est un des films les plus vains de toute l’histoire du cinéma hollywoodien, et la preuve que sans direction précise, une franchise est nécessairement vouée à ce genre de faux pas.
Tout n’est pourtant pas si mauvais. Le film réserve quelques scènes visuellement abouties, ainsi qu’un réel désir de nous surprendre. Et après la copie carbone du Réveil de la Force, il était effectivement vital de réinsérer surprise et excitation dans la saga. Mais les changements effleurés par Johnson ne sont au final que mirage : Luke aigri redevient Luke gentil, Kylo ambigu redevient Kylo méchant, et Rey un peu floue reste Rey un peu floue. Car dès qu’une nouvelle direction s’annonce à la mort de Snoke, Johnson est incapable de saisir l’opportunité et se contente de nous ramener à un ennuyeux statu quo.
Paradoxalement, tout en étant le film le plus long de la saga, Les Derniers Jedi est de loin le plus insignifiant : passez du 7 au 9, et vous n’aurez quasiment rien raté. Car en tant que personnage, Rey n’évolue pas. Pourtant, la révélation concernant ses parents aurait pu, encore une fois, déjouer nos attentes, mais Johnson préfère choisir l’ambiguïté et laisse ainsi la porte grande ouverte à quiconque souhaiterait renverser la décision. C’est si frileux que c’en est risible – c’est d’ailleurs bien le seul aspect de ce film capable de vous tirer le moindre sourire, tant l’humour y est bas du front.
Ne parlons même pas de l’aventure de Fyn – une digression à 50 millions de dollars et un tiers de notre temps – qui se révèle parfaitement superflue en fin de parcours… Alors quand même les règles de base de l’écriture narrative ne sont pas respectées, difficile en retour de porter un quelconque crédit au résultat final. Malheureusement affligeant.
9. Le Réveil de la Force (The Force Awakens – 2015)
Le premier film de l’ère Disney ne m’a pas mis en colère comme son successeur a su le faire deux ans plus tard. Pour être honnête, j’étais plutôt circonspect. J’avais conscience que la tâche était rude (« rude » étant un euphémisme), et qu’en grande partie le film parvenait à remplir son cahier des charges, à savoir relancer la machine tout en attirant une nouvelle génération de fans potentiels.
Mais, au-delà de son évident manque d’originalité, Le Réveil de la Force souffre d’un défaut terrible : il supporte extrêmement mal les visionnages à répétition. Dès le deuxième, les défauts se font plus visibles, comme si le vernis présentait déjà ses premières craquelures. Au final, ce septième épisode n’est pas un très bon film. Aussi attachant soit-il, le personnage de Rey est incapable de nous transmettre ses peurs et ses désirs : il n’est qu’une toile vide sur laquelle J.J. Abrams projette ce qu’il souhaite en fonction des nécessités scénaristiques. Une caractéristique malheureusement constante chez la majorité de ses personnages.
Pour ne rien vous cacher, je ne suis pas certain que le retour de John Williams à la composition fût une bonne idée. Non pas que la bande originale soit mauvaise, mais il eut été à mon avis plus audacieux de faire s’exprimer une nouvelle voix, dans le but de soutenir une intrigue déjà bien trop familière.
Jusqu’à aujourd’hui, Le Réveil de la Force est également le seul film capable de gâcher Adam Driver, pourtant l’un des meilleurs acteurs de sa génération (je ne le dirai jamais assez : regardez Paterson). Erreur de casting ou mauvaise écriture ? Probablement un peu des deux. Dans tous les cas, son Kylo Ren est une déception sans borne. Et dans l’univers Star Wars, rater son méchant revient presque à rater son film.
8. Solo – A Star Wars Story (2018)
Cette partie devrait être assez courte, tant Solo se révèle peu inspirant. Ni bon sans être totalement mauvais, le film se contente du très moyen pendant 2h, sans parvenir un seul instant à exciter un minimum notre curiosité.
L’échec de Solo, financier comme critique, tient principalement du fait de ses déboires en coulisses. De toute évidence, la folie du couple Lord/Miller, celle-là même qui empêchait justement les fans de crier au scandale à l’annonce du projet, était bien trop imprévisible et dangereuse aux yeux de la direction. Disons-le clairement, virer le duo était une connerie sans commune mesure. Une connerie qui a tué le film.
S’ensuit donc ce que l’on attendait : un petit épisode de SF sans charme, qui tente d’expliquer ce que personne n’a jamais demandé à grands coups de clins d’œil sans imagination. Ah, alors Han s’appelle « Solo » parce qu’il était tout seul lors de son enrôlement… Cool. Cool cool cool cool cool.
7. La Menace Fantôme (The Phantom Menace – 1999)
Ok, à ce point de l’article, la moitié d’entre vous doit déjà être à deux doigts de maudire mon lignage, et ce pour des générations à venir. Pourtant je n’ai pas peur de l’assumer : je préfère les prequels de Lucas aux sequels de Disney.
Mais avant de rentrer dans les détails, soyons bien clairs sur un point : je ne suis pas un grand fan des prequels en question. Fut un temps où je les détestais. Qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis ? Disney, justement. Suite au Réveil de la Force, j’ai finalement réalisé toute l’ampleur de l’ambition de George Lucas. Comme si la frilosité de J.J. Abrams et Kathleen Kennedy m’avait éclairé. J’en suis venu à comprendre ce que Lucas avait tenté de faire, certes plutôt mal, avec ces trois films : raconter la même chose tout en racontant autre chose. Etudiées conjointement, les deux trilogies de Lucas se répondent en des termes parfois déroutants, mais toujours fascinants (je vous invite d’ailleurs à jeter un œil sur la théorie du cercle). En définitive, ces six films représentent à eux seuls une sorte de cartographie mythologique moderne, une œuvre complexe digne de Virgile ou Homer.
Maintenant, il faut savoir reconnaître une chose : Le Menace Fantôme a de quoi faire grincer des dents. L’intrigue politique est assez ennuyeuse, une faute presque impardonnable quand on considère que ce quatrième épisode cherche principalement à attirer un public d’enfants. Mais c’est justement là où les défauts du film révèlent finalement les nobles velléités de Lucas : pour mettre en scène la chute d’une civilisation, il est en effet indispensable de nous en montrer les rouages. Alors, c’est assez mal fait, oui, mais l’intention est louable.
Tout n’est évidemment pas à jeter. En remettant les choses dans leur contexte, on se souvient qu’à l’époque cet Épisode 1 représentait une véritable petite révolution en termes d’effets spéciaux. Sans oublier bien évidemment l’apparition de l’un des plus fameux Sith de la saga, en la personne de Darth Maul. Badass, mystérieux et giga cool (ça se disait à mon époque), le personnage parle définitivement à toute une génération de gamins… Sa suppression précipitée démontre ainsi les failles de son créateur : à vouloir trop en faire, on finit par faire mal.
6. L’Attaque des Clones (Attack of the Clones – 2002)
Voilà un autre film loin d’être bon… Bien que surpassant très légèrement son prédécesseur en se voulant un peu plus adulte, L’Attaque des Clones souligne bien malgré lui l’un des plus gros défauts de George Lucas : son penchant pour l'emphase.
Là où, à la même époque, le lyrisme de Peter Jackson faisait mouche dans sa trilogie du Seigneur des Anneaux, celui de Lucas tombe à plat. En effet, difficile aujourd’hui de regarder les scènes de Padmé et Anakin sans ricaner, tant les dialogues et la mise en scène sont grotesques (même le talent de John Williams ne parvient pas à sauver le naufrage). Le film pâtit également d’un personnage principal insupportable, mal écrit et, il faut bien le dire, mal joué.
À cela s’ajoute la propension paradoxale de Lucas à restreindre son univers, lui dont l’ambition est pourtant inverse. Que les clones soient des copies du père de Boba Fett n’apporte rien au récit, n’explique rien des origines du personnage, et ne fait surtout que donner aux plus cyniques des raisons de boycotter ce qui s’apparente à un festival aux produits dérivés.
Alors pourquoi si haut dans le classement, me direz-vous ? Eh bien malgré les innombrables reproches faits à leur encontre, les prequels bénéficient d’une œuvre complémentaire qui les surpasse en qualité, tout en leur donnant une dimension nouvelle : The Clone Wars. Bien entendu, cette forme de rédemption n’a pu être que rétrospective, puisque la série animée n’est apparue qu’en 2008, soit 3 ans après la fin de la nouvelle trilogie. Mais Star Wars, c’est avant tout une question d’héritage : ainsi chaque film ne peut s’appréhender qu’en fonction de la manière dont il s’imbrique dans un univers bien plus large. Et de ce point de vue, The Clone Wars est le compagnon parfait.
5. La Revanche des Sith (Revenge of the Sith – 2005)
Voici donc comment on en arrive au dernier volet des prequels, indubitablement le meilleur des trois. Emporté par cette histoire de descente aux Enfers, George Lucas laisse loin derrière les gentilles pantalonnades de La Menace Fantôme et nous présente une version adulte de la saga. Alors que le cinéaste clame depuis des décennies que les enfants sont la cible éternelle de la franchise, ici les enfants sont une excuse scénaristique pour faire basculer le héros dans la damnation.
Logiquement, le film souffre des nombreux défauts qui ont jalonné ses prédécesseurs, et ce malgré les quelques corrections opérées : en effet, la quasi disparition d’un Jar Jar ne fait jamais oublier la faiblesse du personnage principal. Pourtant, Anakin est un des points forts de The Clone Wars, qui lui donne la substance manquant clairement à Hayden Christensen... Une fois de plus donc, impossible de juger La Revanche des Sith hors du canon.
Mais dans son admirable ambition, le film se targue de quelques réussites, comme la bataille finale sur Mustafar ou encore le design du Général Grievous. Malheureusement, Lucas retombe dans ses travers et ne peut s’empêcher de replacer futilement quelques personnages de la trilogie originale, sans parler de cette pauvre Padmé à qui il n’a jamais véritablement su rendre honneur.
Bref. Oui, les prequels sont décevants. Oui, beaucoup d’entre nous se sont sentis trahis. Mais, de la même manière qu’un supporter se doit avant tout de célébrer son équipe en temps de crise, un fan de Star Wars se doit également de prendre du recul face à sa frustration. Pour reprendre les mots de Luke, « il y a encore du bon » dans cette trilogie. Peut-être avions-nous besoin d’un peu plus de temps pour nous en rendre compte.
4. Rogue One – A Star Wars Story (2016)
Curieusement, le premier film hors saga Skywalker, qui plus est sous l’égide Disney, est de loin le meilleur Star Wars du nouveau siècle. Ce n’était pourtant pas gagné : entre un concept incapable de se détacher un tant soit peu de la trilogie originale (au point de coller directement à l’intro de l’Épisode IV) et de sérieux problèmes de production, il y avait de quoi avoir les fesses qui claquent. Et pourtant, Rogue One se veut comme un exemple idéal de ce que quelques semaines de tournage et de post-production supplémentaires peuvent apporter à un blockbuster. Preuve flagrante : la scène favorite d’une majorité de personnes n’est même pas une scène originale de la version Gareth Edwards, mais bien un ajout de dernière minute conduit par Tony Gilroy.
Bien sûr, le film n’est pas parfait. Mais si la première demi-heure a tendance à s’encombrer d’une exposition parfois un peu lourde, la récompense est d’autant plus belle. Et à l’heure du générique de fin, les défauts initiaux sont déjà oubliés.
Comme tous les plus grands films de guerre, c’est l’histoire dans l’Histoire qui intéresse ici Edwards et ses scénaristes ; ou comment étendre un univers sans piétiner son héritage. La problématique est donc bien différente de celle abordée par J.J. Abrams sur Le Réveil de la Force, et par conséquent les deux films sont difficilement comparables. Ce que l’on peut constater en revanche, c’est l’intelligence avec laquelle Rogue One parvient à parler de la Force, exercice auquel les Épisodes VII et VIII échouent laborieusement. Comme si finalement, l’absence de Jedi à l’écran était la meilleure façon d’évoquer leur mysticisme. En ce sens, le personnage de Chirrut Îmwe (Donnie Yen) est une des plus belles réussites du film : il nous donne à voir une autre facette de la Force et de son influence sur les âmes qui peuplent la galaxie. Ainsi, le monde n’est pas seulement fait de Jedi, de Sith et de lambda – et la Force serait alors une énergie de la nuance, plutôt qu’une simple énergie de la dualité.
Paradoxalement donc, au vu de l’histoire familière dans laquelle il se place, Rogue One se définit en partie par son audace. L’audace de montrer que la Rébellion n’est pas uniquement composée de saints (poursuivant ainsi l’œuvre de The Clone Wars), mais aussi l’audace de tuer l’intégralité de sa galerie de personnages. Le choix peut paraître facile à première vue, mais il en devient, avec le recul, essentiel.
Malheureusement, l’audace de Rogue One passe également par la reconstitution faciale de Peter Cushing et Carrie Fisher, une technologie impressionnante certes, mais particulièrement laide (et ne parlons même pas d’éthique…). Bref, un petit point noir qui ne fait pas oublier les énormes qualités de cette fresque épique, vibrante, fidèle à George Lucas sur le fond comme sur la forme, mais aussi et surtout incroyablement belle à voir. Avec en bonus cette réussite presque inespérée, celle de rendre à nouveau Vador terrifiant. Un de mes grands souvenirs de cinéma.
3. Le Retour du Jedi (Return of the Jedi – 1983)
À ce niveau de la compétition, nul doute que la nostalgie a son rôle à jouer. L’Épisode VI est-il objectivement un bon film ? Bien que certains en doutent aujourd’hui, je reste convaincu que oui. Mais, si je m’autorise à être honnête un court instant, je dois bien reconnaître que mon regard d’enfant y joue probablement pour beaucoup.
Néanmoins, il faut reconnaître que le grand final de la trilogie originale remplit sa part du contrat : toujours plus de bestioles, de nouvelles révélations, une énorme bataille spatiale, et surtout la rédemption d’un des plus grands vilains de l’histoire du 7ème Art. Si l’on ajoute à cela une production au sommet des standards hollywoodiens de l’époque et une partition grandiose de la part de John Williams, il y a effectivement de quoi dire que cette trilogie est un rare exemple de perfection.
Mais voilà, on peut toujours pinailler. Et ils sont pléthores de nos jours, à critiquer la victoire des mignons Ewoks contre le méchant Empire, preuve flagrante à leurs yeux qu’il ne s’agirait là que d’un prétexte odieux pour vendre des peluches (et des spin-off en VHS). Et franchement, on ne va pas se le cacher : on a tous unanimement décidé d’accepter cette dimension mercantile inhérente à l’univers Star Wars. Le cynisme de Lucas (et d’Hollywood en général) fait partie intégrante du contrat tacite entre le « divertisseur » et le « diverti ».
Avec le recul, il est vrai que la structure du Retour du Jedi a de quoi laisser perplexe. Le premier acte sur Tatooine dans le palais de Jabba aurait aujourd’hui sa place dans un comic book visant à faire patienter les fans à quelques mois de la sortie d’un nouvel épisode. La stratégie des protagonistes y est d’ailleurs assez floue, et les péripéties semblent avoir pour seul véritable but de nous faire découvrir de nouvelles créatures et de nouveaux décors, tout en étirant la durée du film (le plus long de la trilogie originale).
Pourtant lorsque le mécanisme se met enfin en route, il est difficile de résister au film de Richard Marquand, parfaitement maîtrisé visuellement et techniquement. Le dénouement est absolument superbe, et prouve qu’il est toujours judicieux de garder son vilain ultime pour la fin.
Et s’il est difficile de pardonner George Lucas pour sa façon de faire disparaître Boba Fett, on peut au moins être reconnaissants d’avoir l’Amiral Ackbar dans nos vies.
2. L’Empire contre-attaque (The Empire Strikes Back – 1980)
Tenter d’expliquer, par ses défauts, pourquoi l’Épisode V n’est que deuxième au classement relève de l’impossible. Ce film est un chef d’œuvre, un monument de l’histoire du cinéma. Point. Alors pourquoi n’est-il pas premier ? Pour ça, il faudra lire mon explication du numéro 1 un peu plus bas.
En attendant, nous parlons bien ici du film d’Irvin Kershner, et je pourrais passer ma journée à faire la liste de toutes ses réussites : de la bataille de Hoth à l’introduction de Yoda, tout en passant par la traitrise (et le rachat) de Lando, sans oublier cet incroyable duel final et la révélation culte qui s’ensuit, bref, tout est mythique. Ajoutons à cela l’arrivée de la Marche Impériale de John Williams, et on comprend vite pourquoi L’Empire contre-attaque est devenu avec le temps l’archétype même de la suite parfaite.
L’audace du film, c’est de commencer l’intrigue un long moment après la fin d’Un Nouvel Espoir, puis d’étendre son world-building au-delà de ce que l’on croyait savoir : oui, il existe un autre Jedi ! et oui, il y a bien une vie après la mort ! Surtout, la galaxie devient bien moins manichéenne qu’elle ne le paraissait. Obi-Wan est un menteur. Vador est humain. Lando est un salaud au grand cœur. Luke a peur de ce qu’il peut devenir. En somme, tout devient nuances de gris, et l’ambiance pesante du film participe à faire entrer Star Wars dans l’âge de la maturité. Fini les jérémiades, fini l’insouciance.
Le pari n’était pourtant pas gagné, tant les attentes étaient élevées. Que Lucas Film soit parvenu à mettre sur pied un film au moins aussi culte que son prédécesseur relève simplement du miracle. Et, quoi qu’on pense de lui aujourd’hui, L’Empire contre-attaque reste la preuve irréfutable que George Lucas est un visionnaire de génie.
1. Un Nouvel Espoir (A New Hope – 1977)
Nous y voilà.
Oui, avec toutes ces années de recul, je considère l’original comme le meilleur de tous. Est-il objectivement le plus abouti, en termes narratif et esthétique ? Probablement pas. Est-il le plus révolutionnaire de tous ? Sans le moindre doute.
Pourtant, quand y regarde de plus près, l’histoire de cet Épisode IV est d’un classique absolu. Ce que fait George Lucas, c’est qu’il condense et fusionne la substantifique moelle de chacune de ses influences, pour créer sa version du mythe moderne : des vieilles mythologies occidentales (notamment grecques), il prend le parcours initiatique d’un jeune héros pur et innocent ; des vieux pulps de sa jeunesse (Flash Gordon entre autres), il prend l’imagination sans borne et les mondes exotiques de la SF populaire ; du cinéma de Kurosawa, il prend l’inégalable sens de l’image et du mouvement, constamment au service de l’intrigue.
À cela, il ajoute un sens inné de l’innovation et de la technique. Pour preuve, il est encore courant aujourd’hui de s’étonner de la faiblesse de certains effets (pratiques et spéciaux) des années 80, 90 et même 2000, et de les comparer aux prodiges d’Un Nouvel Espoir pourtant tourné des années plus tôt. Car aujourd’hui encore, des sabre-laser aux combats spatiaux, tout fonctionne. N’en déplaise à une certaine majorité, je trouve d’ailleurs le duel entre Vador et Obi-Wan tout à fait remarquable dans son approche : nous n’avons plus affaire aux jeunes Jedi de La Revanche des Sith. Nous sommes ici face à deux papys, qui privilégient la stratégie à la force brute. Ainsi la chorégraphie du combat fait bien plus référence aux films de samurai qu’à ceux de Bruce Lee, et, avec le recul, cette décision prend tout son sens. Et c’est ainsi que les limites budgétaires deviennent de véritables atouts narratifs.
Même si l’argent a fini par dénaturer une partie de cette galaxie, il reste frustrant de penser que Lucas n’aura jamais eu l’occasion de conclure sa saga. Il est évident que le cinéaste avait une idée bien précise de ce qu’il souhaitait accomplir avec ses hypothétiques épisodes 7, 8 et 9 (cf. la trilogie Mortis, saison 3 de The Clone Wars). Mais il était déjà trop tard : en 40 ans, Star Wars est devenu bien plus que l’œuvre d’un seul homme. Pas plus que ce n’est devenu la propriété de Disney. Au contraire, Star Wars s’adresse à tout le monde et appartient par conséquent à tout le monde. Et on ne sera peut-être pas toujours d’accord, vous et moi. Personne ne le sera jamais.
Et vous savez quoi ? Tant mieux. Cela signifie que nous n’avons pas encore cédé au cynisme, et que certaines valeurs nous tiennent toujours à cœur. Car dès lors qu’il s’agit de Star Wars, tout ce qui nous sépare n’est au final que la Force qui nous rassemble.
Mention spéciale : The Star Wars Holiday Special (1978)
Appelez ça une tradition de Noël. Tous les ans à la même époque, quelques amis et moi nous réunissons pour regarder l’infâme Holiday Special. Voilà pourquoi le téléfilm de 1978 (première apparition de Boba Fett !) mérite de figurer dans cette liste.
Parfaitement inclassable (car parfaitement mauvais), il vaut plus pour son côté grotesque et fauché que pour ses insupportables vignettes, terriblement longues et ennuyeuses. Pas étonnant que George Lucas ait immédiatement renié la bête, même si certains affirment que le créateur de la saga aurait également été l’instigateur de cette horreur télévisée.
Dans tous les cas, contrairement à d’autres ratés intervenus quelques décennies plus tard (cf. le début de cette liste), The Star Wars Holiday Special peut au moins se vanter de ne pas dénaturer et manquer de respect à la galaxie lointaine où il prend place… C’est déjà ça.
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