Jim Jarmusch est un grand réalisateur, il n’y a pas le moindre doute là-dessus. A travers plusieurs décennies, il a su renouveler ses inspirations mais aussi les genres auxquels il s’est attaqués. A mes yeux, Only Lovers Left Alive entre aisément dans le Top 5 des meilleurs films de vampire de tous les temps. Quant à Paterson, il est mon plus gros coup de cœur de ces dernières années (si ce n’est de ce nouveau millénaire).
A l’annonce de The Dead Don’t Die donc, son premier film de zombie, la plupart des cinéphiles ont eu un orgasme, suivi d’un second à la vue du casting. Moi-même j’étais convaincu qu’un nouveau classique du genre était sur le point de naître. Clairement, j’avais tort.
Attention, The Dead Don’t Die n’est pas un mauvais film, loin de là. Il est de cette famille de comédies devant lesquelles on ne se tape pas forcément le cul par terre, et ce n’est pas un problème. Non, le véritable problème c’est que Jim Jarmusch se livre ici à un exercice de style à la limite de l’auto-parodie : en gros, Jim Jarmusch réalise un film de zombie réalisé par Jim Jarmusch. Quelque part, The Dead Don’t Die c’est un peu un film de potes dont le but serait plus de divertir les acteurs que les spectateurs.
Pourtant je le répète, le film est loin d’être une expérience désagréable : le stoïcisme d’Adam Driver n’a ici d’égal que l’extravagance de Tilda Swinton, et le film se délecte de ces décalages et de ces personnages singuliers. Le comique de répétition et la lenteur délibérée des scènes ne sont d’ailleurs pas sans rappeler un certain David Lynch (et surtout Twin Peaks), même si la référence en question n’est probablement pas celle qui intéresse Jarmusch en premier lieu.
Malheureusement, les références de The Dead Don’t Die sont si peu subtiles qu’elles ne manqueront pas d’en décevoir certains – on sait qu’Adam Driver a joué dans Star Wars, qu’y a-t-il d’amusant à nous le rappeler ? Et même si Jim Jarmusch souhaite avant tout rendre hommage au maître George Romero, le film manque bien trop de substance pour parvenir à la cheville de Night of the Living Dead (1968) ou Dawn of the Dead (1978).
Pourtant, malgré l’effet de mode que connaît le genre depuis quelques années, il est judicieux de rappeler l’importance sociale des premiers films de zombie : racisme, consumérisme, militarisme, les œuvres de Romero ont toujours eu à cœur d’utiliser le médium pour mettre en avant les problématiques du monde. The Dead Don’t Die semble en être conscient, mais se contente de nous donner les cartes sans inciter à la moindre réflexion. Le monde part en sucette car l’homme est irresponsable. Ok, mais encore ?
Donc oui, cela me peine de le dire, mais le dernier Jarmusch n’est pas particulièrement bon. Pire encore, il a tendance à tirer vers la condescendance – en témoigne les dialogues méta qui, une fois de plus, ne sont que des clins d’œil d’un cinéaste à son propre reflet.
S’il fallait voir un film de zombie cette année au cinéma, je vous conseille plutôt One Cut of the Dead (Ne coupez pas en vf), la petite pépite japonaise que je ne manquerai pas d’évoquer ici même dans très peu de temps – sérieusement, ne passez pas à côté de cette merveille.
En attendant, il vous reste toujours les films de Romero. Et, bien entendu, Shaun of the Dead. Car à l’instar de certains morts, ces classiques-là non plus sont incapables de mourir.
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