Beaucoup de pays à l’honneur pour ce classement 2024 (Inde, Bhoutan, Danemark, Lettonie, Thaïlande, Chine, Australie) et finalement presque aucun blockbuster hollywoodien... De là à imaginer un nouvel avenir du cinéma ?
Je n’ai évidemment pas la réponse à une question aussi complexe, alors en attendant de voir ce que nous réserve cette nouvelle année, voici mon bilan du meilleur de 2024.
14. Kill
Ne jugez pas trop vite ce titre qui semble, au premier abord, ultra générique : quand le carton apparaît (au milieu du film), tout prend son sens.
Si ce film de baston indien se démarque de ses compétiteurs (autrement dit, les dizaines de pseudo John Wick dont le cinéma est particulièrement friand ces dernières années), c’est avant tout par son choix de ne recourir qu’à un seul lieu, en l’occurrence un train. Cela permet au réalisateur de ne pas se perdre dans une intrigue inutilement labyrinthique et, bien au contraire, de resserrer toute sa mise en scène autour de ses personnages. Alors oui, certains seront vite lassés par la surenchère de violence. Mais il y a, parsemés çà et là, quelques élans d’émotion inattendus, qui rendent l’expérience plus intéressante qu’on n’aurait pu le croire.
13. Le moine et le fusil
A l’opposé de la débauche de violence de Kill, il y a ce film bhoutanais assez surprenant, voire même carrément imprévisible.
On se laisse porter par l’ambiguïté de l’intrigue, mais aussi par son côté décalé. L’humour y est plein de tendresse pour ses personnages (et par extension, pour le peuple du Bhoutan), et le dénouement nous amène exactement là où le film mérite d’aller. Au-delà d’un simple plaidoyer pour la paix sur Terre, c’est avant tout une remise en question de nos systèmes de pensée : on en vient presque à culpabiliser d’avoir pu croire un instant que la violence était au cœur du message, alors qu’il s’agissait en fait de l’inverse.
12. King’s Land
Grande épopée historique par excellence, cette production danoise se targue de réunir à nouveau deux des plus grands noms du cinéma scandinave actuel : Nikolaj Arcel derrière la caméra, et évidemment l’immense Mads Mikkelsen devant.
Le résultat est classique dans son déroulement, mais bougrement efficace. Et si l’on finit assez vite par se ranger du côté de ce protagoniste pourtant assez froid, il ne faut pas oublier la présence des seconds rôles, qui donnent ici son âme au film.
11. Saturday Night
Nul besoin d’être un amateur absolu de Saturday Night Live pour en apprécier les origines, relatées ici avec panache par Jason Reitman. Sa mise en scène nerveuse dépeint à merveille le chaos et la tension qui ont précédé la toute première édition de l’émission culte en 1975, alors que la télévision américaine était encore aux mains d’une poignée d’hommes incapables de s’adresser aux nouvelles générations.
Le film se veut donc immersif, dynamique, et fidèle à l’esprit anarchique de cette période bien particulière.
10. Beatles ‘64
Plus de 60 ans après, le phénomène des Beatles continue inlassablement de fasciner. Une fois encore, la pléthore d’images d’archives permet à de plus jeunes cinéastes de s’emparer de ces morceaux d’histoire et d’en recréer un nouvel exposé.
Ici donc, sous la houlette de Martin Scorsese à la production, David Tedeschi nous plonge dans le périple des Fab Four lors de leur premier voyage aux Etats-Unis, en 1964. Il est difficile pour nous aujourd’hui d’imaginer la folie et le chaos que leur présence a pu susciter outre-Atlantique, et c’est justement le pari (réussi) que se lance cet honnête documentaire. C’est loin d’atteindre la perfection de Get Back, mais cela reste indispensable pour tout bon complétiste.
9. Only the River flows
Un film fascinant, rude et très bien écrit. Avec l’emprise toujours plus grande de la censure dans le cinéma chinois, les sorties en France se font de plus en plus rares (et la qualité de moins en moins présente, malheureusement).
Ce thriller sulfureux vient combler le manque pour tout amateur de cinéma asiatique, avec son ambiance poisseuse et sa mise en scène énigmatique. Et si la fin peut paraître frustrante, je suis convaincu que tous les indices nécessaires ont été disséminés à travers le film. Bref, en tant que lente descente dans la folie, cette approche (proche de Shutter Island dans ses choix visuels) est à mes yeux plus intéressante que Joker.
8. How to make Millions before Grandma dies
Le plus gros succès de l’année en Thaïlande, cette comédie dramatique est bien plus sensible et intelligente que son titre anglais ne laisse présager.
Le sujet est universel : un jeune homme paresseux et sans le sou se rapproche de sa grand-mère, dans le seul but d’hériter de sa maison. Évidemment, nous sommes au cinéma, et ce qui commence dans le cynisme se termine généralement dans la compassion. C’est le cas de ce film qui, même s’il va là où on l’y attend, y parvient avec sincérité et émotion. Difficile donc de ne pas être séduit.
7. Flow
Cette co-production lettone-belge-française est une véritable petite pépite d’animation, du genre que l’on aimerait voir plus souvent au cinéma.
Produit avec une fraction des budgets hollywoodiens et faisant le parti-pris de n’avoir aucun dialogue, le film met en scène une bande d’animaux sauvages, loin des créatures anthropomorphes de Disney, tentant de survivre tant bien que mal au déluge. Les personnages sont touchants, et les décors aussi beaux qu'envoûtants. Et si l’animation présente parfois quelques limites (liées au budget), les artistes aux manettes s’en accommodent avec brio.
6. Le robot sauvage
Il est intéressant de noter que les deux meilleurs films d’animation de l’année partagent certains thèmes, notamment celui du retour à la nature et de la nécessité de mieux la comprendre pour mieux y vivre.
Se targuant d’un budget bien plus important, Le robot sauvage est une aventure hollywoodienne (dans le bon sens du terme), pleine d’humour et de bons sentiments. Narrativement, le premier acte est parfait, et devrait être présenté aux nouvelles générations d'artistes comme un exemple à suivre (et puis, n’importe quel projet impliquant Matt Berry est certain de me conquérir).
5. Conclave
Le Vatican toujours su susciter la curiosité du 7è Art, et l’élection d’un nouveau pape l’inspiration des cinéastes. Et si certains ont pu choisir la voie de la comédie (c’était le cas de Nanni Moretti avec Habemus Papam), Edward Berger s’engage ici dans la voie du thriller politique. Pari réussi, notamment grâce à une mise en scène précise et un casting international parfait (le meilleur ensemble d’acteurs et actrices de l’année, sans aucun doute). Le résultat est haletant, mais le film ne se contente pas d’être un simple mystère : il est avant tout une réflexion nécessaire sur la foi et sur le doute.
4. Furiosa : une saga Mad Max
George Miller a clairement compris que les yeux d’Anya Taylor-Joy sont parmi les plus fascinants de l’histoire du cinéma, et cette alchimie nous offre quelques uns des plus beaux plans de ces dernières années.
Et si le film est coupable de certains choix narratifs assez curieux, cette nouvelle plongée dans le monde de Mad Max reste un pur plaisir de cinéphile. Après un second visionnage, les personnages prennent même une nouvelle dimension, presque mythologique, et les scènes d’action en deviennent presque plus folles.
Certes, le dénouement m’a d’abord paru en peu en deçà (je pensais honnêtement qu’il serait suivi d’un dernier acte épique), mais je suppose que "pas d’action et beaucoup de dialogue" est un parfait contre-pied à l’attente des fans de Fury Road.
3. Civil War
J’adore le fait qu’Alex Garland n’aille pas là où tout le monde l’attendait. Son angle est tout autre, et c’est un angle captivant, loin de la division et du discours politique. Beaucoup espéraient y voir une critique de la radicalisation américaine, un énième pamphlet anti-conservateur (et fatalement hypocrite) comme Hollywood en a l’habitude. Au final, la position de recul adoptée par le film est presque plus courageuse.
Ajoutez à cela une tension insoutenable, des personnages forts en perpétuelle évolution, une Kirsten Dunst parfaite, tout un tas de plans absolument sublimes, et vous avez là un nouveau classique.
2. Hit Man
Ce film est parfait dans ce qu’il tente d’accomplir. Il est assez rare que je regarde deux fois un même film dans une année, mais celui-ci ne pouvait y échapper. Je suppose que c’est ce qu’on appelle « le charme ». Un charme auquel Richard Linklater n’est pas étranger, puisqu’il est à l’origine de la trilogie Before (avec Julie Delpy et Ethan Hawke), parmi les meilleures comédies romantiques de l’histoire du cinéma.
Ici, le cinéaste américain met en scène cette histoire (presque vraie) d’un simple professeur de philosophie se faisant passer pour un tueur à gage afin d’appréhender les criminels de la Nouvelle-Orléans. L’alchimie entre les deux acteurs principaux, Adria Arjona et Glen Powell (qui est également crédité au scénario), doit être vue pour être crue, et Linklater a clairement compris comment métamorphoser cette relation en or pur.
1. Hundred of Beavers
Ma première réaction dès la fin du générique ? « Est-ce que je ne viendrais pas de voir la meilleure chose jamais créée par l’Homme ? ». C’est vous dire le choc.
Imaginez un cartoon de la Warner Bros, dans la lignée de Tom & Jerry ou Bip-Bip et le Coyote, joué par de vrais acteurs en chair et en os (ou en poils de mascottes), le tout mis en scène par des génies visuels (du genre de Karel Zeman, la poésie en moins) férus d’After Effects et complètement fauchés.
C’est ce que nous offrent Mike Cheslik (derrière la caméra et au scénario) et Ryland Brickson Cole Tews (devant la caméra et au scénario), un OVNI comme il n’en existe nulle part ailleurs, travail de dur labeur réalisé sur plusieurs années, dans la neige et le froid, et ce avec un budget ridicule (le plus bas de toute cette liste).
Bref, en parler ne suffit pas. Ce chef d’œuvre mérite d’être vu.
Ces films n’ont pas décroché leur place dans le top 14, mais il serait injuste de ne pas les mentionner. En vrac :
. Dune 2, qui malgré quelques problèmes narratifs et un dénouement bâclé, possède une force visuelle comme on en voit trop peu dans les blockbusters ;
. La Guerre des Rohirrim, qui nous replonge dans le monde du Seigneur des Anneaux sans pour autant oublier de raconter une histoire originale et sans trop de fioriture. Sous-estimé par la critique, assez mal markété par la Warner, ce dessin animé méritait mieux ;
. Longlegs, qui nous offre un Nicolas Cage plus effrayant que jamais (et ici, on ne résiste pas à Nicolas Cage) ;
. Scandaleusement vôtre, comédie 100% britannique, au casting impeccable ;
. La chimera, une aventure poétique dans une Italie surannée ;
. The Substance, film d’horreur audacieux (réalisé par une Française) aux effets prosthétiques hallucinants ;
. Polite Society, mettant en avant la communauté pakistanaise en Angleterre, dans une comédie d’action fun et décomplexée.
Et bien entendu, pour ceux qui veulent aller plus loin, je vous invite à visiter mon podcast LES 2NDS RÔLES (sur Youtube ou Spotify).
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