Le problème avec cette nouvelle version de Hellboy n’est pas qu’elle est mauvaise (et elle l’est, définitivement) : c’est qu’elle est le mauvais genre de mauvais. Vous voyez ce que je veux dire ?
Parfois, le mauvais peut être fun. Il peut être sincère. Exaltant.
Mais le plus souvent, il est générique. Et c’est là tout le vice de Hellboy version 2019 : c’est un mauvais banal, fade, insignifiant. C’est une perte de temps. Et, pire encore, c’est une insulte.
Les profanes qui auront vu le film s’empresseront de l’oublier et d’ignorer l’œuvre originale dont il s’inspire. Et personne ne pourra les blâmer. En revanche, les admirateurs de Mike Mignola et de son comic book culte, eux, auront du mal à s’en remettre. C’est mon cas.
Je vous épargnerai la sempiternelle leçon sur les raisons qui poussent beaucoup de connaisseurs à juger Hellboy comme l’une des œuvres graphiques les plus importantes des années 90. Disons simplement qu’il s’agit d’un monument de 25 ans (pour le moment), comparable dans ses ambitions à la littérature gothique de la fin du XIXè siècle – avec un petit twist : c’est sublime à regarder.
J’essaierai également d’évoquer le moins possible les deux films de Guillermo del Toro déjà tirés de la BD, même s’il est impossible de ne pas hurler de terreur à l’idée que cet insipide reboot a définitivement enterré nos espoirs d’épisode 3…
Car le réalisateur de cette nouvelle version, Neil Marshall, n’est pas del Toro. Pas plus qu’il n’est Zack Snyder ou Matthew Vaughn. En se basant simplement sur Hellboy, on en viendrait même à penser qu’il n’est pas grand chose… Pourtant son premier grand succès, The Descent (2005), nous laissait entrevoir les contours d’un cinéaste de la claustrophobie et de l’angoisse pure.
Seulement, l’échec de cet Hellboy n’est pas que celui de son réalisateur. C’est avant tout celui d’un système. Celui qui voit d’innombrables producteurs de pacotille transformer des propriétés intellectuelles en pantalonnades grotesques, dépourvues de leurs âmes pour mieux rentrer dans des cases. Ici, les succès consécutifs en 2016 et 2018 de Deadpool et Deadpool 2 ont clairement guidé certains studios à aller chercher dans leurs répertoires les franchises les plus adultes, pour surfer sur la vague du Rated R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés). Le hic sur ce reboot de Hellboy, c’est que l’aspect ésotérique et horrifique du comic book original se retrouve troqué contre un trop-plein malavisé de gore et de jurons. C’est gratuit, grossier, vulgaire, et surtout ça ne parvient pas un seul instant à générer le moindre fun. Au final, tout semble forcé.
Et quand Marshall ne force pas les aspérités, son film redevient plat. La preuve avec cette bande son oubliable, bardée de rock FM générique incapable d’élever des scènes d’action déjà faiblardes.
Il faut dire aussi que le film n’est pas aidé par ses effets spéciaux. Peu inspirés et surtout très laids, pas un seul ne suscite l’admiration en 2h de temps. Et qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : j’aime la vulgarité et les mauvais CGI. Il peut y avoir de la beauté dans l’excès, et je peux me montrer extrêmement indulgent avec une certaine médiocrité. Mais ici, l’incompétence est impardonnable tant elle est flagrante. Et même les effets pratiques échouent là où on aurait été en droit d’espérer une forme de rédemption : Baba Yaga pourrait être effrayante, son design le laisse en tout cas penser, mais le mouvement de ses lèvres colle si peu avec ses dialogues que le personnage en devient vite lassant. Et Dieu sait que la bande dessinée de Mike Mignola réserve pourtant quelques belles scènes d’effroi.
Bref, critiquer Hellboy c’est un peu tirer sur l’ambulance. Sa structure résume à elle seule le naufrage : les 30 premières minutes sont une succession de scènes d’exposition toutes aussi mal amenées les unes que les autres, quand le dénouement s’avère être une sorte d’anti-climax où aucun des concepts annoncés tout au long du film ne prend réellement forme. A quelques (laborieux) mètres de la ligne d'arrivée, Neil Marshall et son scénariste Andrew Cosby n’ont donc même plus la force d’aller au bout de leurs idées – comme si, au final, le poids des erreurs et des mauvaises décisions avait fini par les rattraper.
Délaissé, David Harbour se démène tant bien que mal pour nous vendre cet assommant héros devenu sans raison particulière gueulard et geignard, mais une fois de plus le design du personnage échoue à rattraper l’inanité de l’écriture : visage rouge, buste rose et main orange. Félicitations au premier maquilleur daltonien de l’histoire d’Hollywood…
Mais sachons trouver du réconfort.
Hellboy version 2019 est si mauvais que même le public ne s’y est pas trompé. Et grâce à de lamentables chiffres au box office, nous sommes au moins certains de ne pas avoir de suite… Youpi ?
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